Histoire de Favarge

Favarge est un ancien hameau ayant près de 2000 ans d’histoire.

Période Gallo-romaineFavarge Bouteille Gallo-romaine

Les plus anciennes traces de présence humaines ont été trouvées lors d’une prospection de surface en 1993 sur un site gallo-romain à Favarge. Les archéologues Jean-Pierre DEWERT, Michel FOURNY et Michel VAN ASSCHE y ont récolté des débris de verre qui, une fois assemblés, formaient une demi bouteille. Il s’avérait que la moitié manquante gisait toujours dans le sol et une fouille de sauvetage s’imposait. Les restes de la bouteille (hauteur totale : 28,5 cm) et des débris de céramiques communes se trouvaient dans le fond d’une fosse qui pourrait correspondre à une tombe arasée. Par comparaison, on date la bouteille à la seconde moitié du 1er siècle.  L’objet est au Musée communal d’Archéologie, d’Art et d’Histoire de Nivelles.    (Braine-le-Comte : «Favarge », bouteille gallo-romaine. Fouille de sauvetage. 1993)

Début de l’époque moderne

Les fondations et une partie des murs de l’étable et de la grange de la ferme quadrilatère sont en schiste bleu. Elles datent probablement du début du XVe siècle.

Dans les archives d’Etat à Mons on peut retrouver une « Carte figurative de la cense vulgairement appellée la Favarte, gisante sur le terroir de la ville de Braine-le-Comte, appertenante à l’advocat Le Clercq, par laquelle Robert Marin, receveur de son Excellence le duc d’Arembergh prétend une servitude de chemin pour aller à sa cense, avec chariots et chevaux, tant pour lui que pour tout mannans de Stienkerke et Petit-Rœulx » ; levé par W. Beaucamp, mesureur assermenté, le 23 septembre 1666. – Original, couleur. – Provenant des anciennes archives judiciaires de Hainaut.

La bataille de Steenkerque 1692

Bataille1692

A 5km vers le Nord du Hameau de Favarge se trouve Steenkerque. Le lieu est connu pour la bataille du 3 août 1692 entre les troupes du roi français Louis XIV et les armées alliées (Espagne, Angleterre, Ecosse, Pays-Bas, Danemark et Prusse). C’est une bataille dans le cadre de la guerre de la Ligue d’Augsbourg (1688-1697). Comme chaque année depuis 1689, le roi de France Louis XIV attaque la Flandre, à l’époque sous contrôle espagnol. En une journée près de 10.000 soldats ont perdu la vie. Des milliers de blessés ont dû être soignés pendant des semaines dans les fermes des alentours. Il est fort probable qu’un bon nombre sont passés par le Hameau de Favarge. Le comte d’Artagnan était le Maréchal de camp de l’armée française pendant la bataille de Steenkerque. Il devint célèbre par la suite avec la parution des Trois Mousquetaires, le roman d’Alexandre Dumas en 1844.

Dans les annales militaires de la bataille on décrit la région comme un mélange de champs et de prairies, avec de nombreuses haies, chemins creux, bois, et des dénivellations brusques sur la rive gauche de la Senne. L’habitation est dispersée entre villes, villages et hameaux. Le hameau est en quelque sorte un village sans église, composé de quinze à vingt maisons.

La période Autrichienne

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Hameau de Favarge sur la première carte militaire des Pays-Bas Autrichien (1764-1771)

Sur la première carte militaire des Pays-Bas autrichiens (1764-1771) ainsi que sur la Carte de Ferraris, le Hameau de Favarge est identifié et composé d’une douzaine de bâtiments. Les plus anciens bâtiments de la ferme quadrilatère (l’étable et la grange) peuvent facilement être identifiés. Notez que le Bois de Rebecq arrive jusqu’au Hameau de Favarge. La limite entre le Hainaut et le Brabant n’a plus changé depuis lors.

Favarge_Ferraris_1777
Hameau de Favarge sur la Carte de Ferraris (1777)

La position des différents chemins autour de la ferme quadrilatère n’a quasiment pas changé.

La carte dite « de cabinet » a été dressée de 1770 à 1778 sous la direction de Joseph-Jean-François, Comte de Ferraris (1726-1814). Elle couvre les Pays-Bas autrichiens ainsi que les principautés de Liège et de Stavelot. Le territoire de la Belgique actuelle est, pour la première fois, représenté dans son entièreté sur une carte à l’échelle détaillée de 1:11.520. (Carte de Ferraris en ligne à la Bibliothèque Royale)

La ferme quadrilatère

Favarge Entree Charretiere 1829
Le porche de Favarge avec l’inscription 1829.

La ferme quadrilatère du Hameau de Favarge, dans sa composition actuelle, date du début du 19e siècle.  Peut-être suite au troubles liés à la révolution française, ou grâce aux bouleversements socio-économiques, le hameau est converti en ferme en carré par Jean Joseph Jurion.  Elle domine le plateau de la Senne et de la Brainette, à la limite du Brabant, sur un chemin qui traverse le territoire du nord au sud, en direction de Soignies et Horrues.  La ferme a eu plusieurs dénominations: ferme la Favarcq, ferme du Pont-Jurion, ferme de Favarges, etc.

Le site est constitué de 6 bâtiments construits les uns en schiste bleu, les autres en briques rouges, entourant une cour pavée au milieu de laquelle trône un grand noyer bienveillant.  Deux grands portiques marquent l’entrée pour le passage des chariots avec leur moisson. L’un marque l’année 1829, l’année du dernier agrandissement.  Par contre, l’élévation date probablement du début du XVème siècle. Le plus ancien côté, les fondations et les murs sont en schiste.

Le “Dictionnaire géographique de la province de Hainaut.” Par Philippe van der Maelen, Etablissement Géographique, Bruxelles, 1822, 527 p. (version numérisé par Google) donne une belle description de l’agriculture de Braine-le-Comte avant la création de la Belgique:

Braine-le-Comte se compose de son chef-lieu et des hameaux de Croisseaux, la Croix, Favarges, la Houssière et Scaubecq.  Ce territoire produit du froment, du seigle, de l’orge, de l’avoine, de trèfle, des pommes de terre et du lin. On n’y cultive guère le colza et les autres plantes oléagineuses. Il y a de superbes prairies qu’arrose la Brainette; elles abondent en foin. Il y a de gras pâturages que l’on entretien avec soin. Les vergers, enclose de haies vives, sont plantés de pommiers, poiriers, cerisiers et noyers. Il y a des houblonnières.

Un sixième du territoire est couvert de bois futaie sur taillis ; la futaie est peuplée de chênes, frênes, bois blancs et hêtres ; les taillis se composent de frênes, charmes et coudriers, quelques-unes offrent une croissance assez vigoureuse. – Oseraies et pépinières. Le sol est de médiocre qualité, si l’on en excepte une plaine d’environ soixante-dix bonniers métriques, qui est assez productive. On l’exploite avec soin en grande, moyenne et petite tenue.

On y fait des élèves en chevaux pour l’agriculture ; leur nombre est plus que suffisant pour le renouvellement des écuries des fermiers. La grande abondance de fourrages permet aux cultivateurs d’élever une multitude de bêtes à cornes. Il y a aussi beaucoup de moutons. »

Jusqu’au début du 20e siècle, de nombreuses familles habitent la ferme.  A part le logis principal, il y a de multiples habitations au-dessus des écuries.  Il y a également un four à pain, qui s’est malheureusement effondré.

La gloire de l’élevage des chevaux de traits

Favarge_Vandermaelen_1850
La Carte Vandermaelen de 1850 nous montre le Hameau de Favarge.  La majorité des anciens bâtiments du coté sud du chemin de Favarge ont été détruit après la finition de la ferme quadrilatère.

A partir de 1831, Philippe Vandermaelen entreprend des travaux qui conduiront à la publication de la première édition d’une carte topographique de la Belgique à une échelle métrique. Les cartes sont levées sur le terrain par des techniques modernes de triangulation. Il publie deux cartes : celle au 1:80.000 en 25 feuilles et celle au 1:20.000 constituée de 250 feuilles. Ces dernières paraîtront de 1846 à 1854. En tout, 4 éditions de la carte topographique de la Belgique au 1:20.000 ont été publiées.

Le bâti et les voies de communication sont représentés, ainsi que des éléments d’occupation du sol. Les courbes de niveau, inventées vers le milieu du XIXème siècle n’apparaissent que sur une partie des feuilles de la quatrième et dernière édition au 1:20.000e. Sur toutes les autres éditions, l’altitude est encore représentée de manière symbolique par des hachures d’autant plus denses qu’elles sont censées représenter un relief plus escarpé. (Accès à la Carte VanderMaelen sur le Geoportail Wallonie)

C’est sans aucun doute une période de gloire pour la Ferme du Hameau de Favarge où on élève des chevaux de trait. L’élevage de chevaux de trait s’organise avec la création de livres généalogiques (Stud-Books). C’est alors que commence la période glorieuse du Cheval de Trait Belge avec un sommet en 1900. En 1913, la Belgique comptait 267.160 chevaux.

Pendant l’entre-deux-guerres le cheval de trait belge était considéré comme le premier au monde. A l’époque la Belgique comptait quelque 230.000 à 250.000 chevaux de trait inscrits dont environ 30.000 étaient exportés annuellement pour la France, les Pays -Bas, l’Italie, la Suède, les pays de l’Est, les Etats-Unis, l’Argentine, le Chili etc.

Le chemin de fer Ligne 123

L’arrivée de la voie ferrée permit à Braine-le-Comte de se développer en centre industriel dans la seconde moitié du 19° siècle, avec ses verreries, sablières, filature de coton, papeterie-cartonnerie, et plus tard une usine de matériel ferroviaire.
La ligne qui passait à Favarge est la ligne 123 qui reliait Geraardsbergen (Grammont) à Braine-le-Comte. Cette ligne de 29 km a été inaugurée le 5 janvier 1867 par le « Chemin de fer de Braine-le-Comte à Gand ». Elle fut nationalisée en 1868. La ligne 123 constituait une ligne ferroviaire importante puisqu’elle était un maillon central de l’axe Charleroi–Gand emprunté par les nombreux mineurs flamands travaillant dans la région du Centre.

Braine_1865
Sur la carte de Braine-le-Comte de 1865 vous pouvez voire la ligne de chemin de fer, le nom Favarge avec au-dessus la ferme quadrilatère.

La section du chemin de fer entre Braine-le-Comte et Enghien fut mise hors service le premier juin 1984 malgré un début d’électrification. Le 1 juin 1988, ce même tronçon Braine-le-Comte – Enghien fut définitivement fermé au trafic, puis déferré en 1989.

Pendant la deuxième guerre mondiale, beaucoup de clandestins ont été caché dans les fermes.  Ce fut également le cas dans la ferme du Hameau de Favarge.  Pendant les moments critiques ils se sont caché dans un espace en-dessous de la cave du logis.  Le Cercle d’Histoire et de Généalogie de Rebecq raconte l’histoire de retrouvailles en 2016 avec un des clandestins de l’époque.

Un mariage à la ferme

Mariage à Favarge en 1913
Début 1913, une photo de la famille Flament-Horlait dans la cour sous l’ancien porche (côté ouest) de la ferme La Favarcq / Favarge.

Les mariés:  Mr Emile Flament et Mme Justine Horlait.  Ils auront trois garçons Marcel (1913), Marius (1914) et Marc (1921).  Les trois frères seront arrêtés comme membre de la résistance et déportés le 11 avril 1944 vers le camp de concentration de Flossenburg en Allemagne.  A l’approche de l’armée américaine, les prisonniers du camp étaient évacués avec une marche de la mort.  Seul le cadet survécu.  Le nom des deux frères Flament est inscrit au « Monument aux morts et aux victimes des deux guerres » à Braine-le-Comte et aussi à l’intérieur de l’entrée de l’athénée Jules Bordet 87 Rue de Mons (Ecole moyenne de l’état pour garçons), école dans laquelle ils ont fait une partie de leurs études.

À la gauche des mariés: Mme Séraphine Glineur (mère du mari) et Mr Charles Louis Horlait (1857-1923, père de la mariée et propriétaire de la ferme La Favarcq depuis 1896).

À la droite des mariés: Mme Clotilde Horlait (1867-1943, mère de la mariée), Mr Charles Flament (père du mari) et le jeune Mr Louis Horlait (frère de la mariée, il exploitera la ferme de 1923 à 1932).

Aussi sur la photo en 3ème ligne les sœurs de la marié (en robe blanche avec ceinture): Mlle Laure Horlait et Mme Bertha Horlait à la main de Mr Pierre Baguet.

Qui habitait à la ferme du Hameau de Favarge?

Le défunt voisin Monsieur Marius Bombard nous a laissé une note en 1996 qui décrit la petite histoire des habitants.

« La famille Jurion exploitait la ferme jusque vers 1885. (J’ai connu le petit fils de Jean Josephe, Armand Jurion né le 13 décembre 1868. Il habitait avec sa sœur Jeanne là où est le garage VandeVelde. Il était négociant droguiste. Il est mort après la guerre 1940-45.)

La ferme fut ensuite occupée par le fermier Christiansens pendant un bail de 9 ans.

Charles Louis Horlait né à Braine-le-Comte le 19 novembre 1857 devient le propriétaire le 1 janvier 1896.  Son épouse Mme Clotilde Horlait, est née à Steenkerque le 9 novembre 1867 et décédée à Braine-le-Comte le 10 mars 1943.  Mr Charles Louis Horlait est décédé le 3 août 1923 quelques mois après que la grange fut en partie détruite par un incendie. Le fils Louis Horlait continuât l’exploitation jusque 1932, au moment de la vente pour indivision avec ses sœurs.

La ferme est achetée en juin 1932 par Léon Baguet de Mignault avec 22 hectares pour 540.000 francs.

Les époux Oscar Cornet Hamart en deviennent locataire en 1932 et propriétaire en 1939 pour environ 1.000.000 de francs et exploitant jusque 1946. A cette date le fils Raymond Cornet, sa femme, sa sœur Renée Cornet et son mari Louis Lenclud, occupaient la ferme pendant 2 ans seulement. Oscar Cornet est devenu aveugle en 1949 suite à un accident de chasse. Il est mort en 1954. Sa femme quelques années après.

En 1948, ce fut Marcel Coodens et André Coodens qui reprirent la ferme avec le bétail et le matériel. André abandonna en 1951 déjà. Marcel continuât jusque 1968.
Alphonse Dehoux Cornet devenu propriétaire par partage à la mort des parents, les firent sortir pour occupation personnelle. En 1973 les terres et prairies furent repartie entre le fils et la fille. Les parents restent dans la maison de la ferme jusque 1989. »

Le déclin de l’activité agricole

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La toiture de la grange de Favarge en 1989.

La modernisation de l’agriculture a fortement réduit le nombre de fermes et le nombre de travailleurs agricoles.  Dans les années 50-60, beaucoup d’arbres et haies furent coupés afin de maximaliser la superficie agricole et permettre la mécanisation.  Sans trop de succès. Dans la ferme du Hameau de Favarge, l’activité agricole commerciale cesse définitivement en 1973 avec la cession des 22 hectares de terre, et les bâtiments sont laissé dans un état déplorable.

Première rénovation en 1989-1993

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La toiture de la remise agricole de Favarge en 1988.

En décembre 1988, les fermiers retraités Dehoux-Cornet qui occupaient la ferme l’ont vendu. Ce fut le début d’une grande rénovation qui a permis de sauver la plupart des bâtiments.  Le logis a été renové à fond.   Pour la grange, l’étable et l’écurie, la toiture a été rénové et la stabilité des murs a été sécurisée.  Seul le poulailler, le four à pain et un abris agricole n’ont pas pu être sauvés.